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Callie et Aude dans le monde
Mercredi (01/12/04)
Dualisme anthropologique
--> Robinson Crusoé et la trace de Vendredi

-Avertissement-

D'abord, ce texte s'insère dans mes recherches personnelles sur la sémiotique. J'utilise donc des termes qui appartiennent à la théorie de Charles Sanders Peirces.
Seulement, je crois qu'en passant outre des termes comme icône, indice... il est possible de comprendre le sens de cet article. Il est avant tout question de la relation avec l'Autre (qui peut aussi être celle des Amerloques devant l'étranger satanique).

De plus, étant donné le peu de ressources (pas de livres, notes, ni sémioticien a porté de la main) j'utilise sa théorie avec les connaissances que j'ai pu acquérir dans les quatre dernières années au BAC. J'inviterais donc toute personne qui aurait un avis contraire au mien ou serait en mesure de remarquer une erreur dans mon raisonnement, à me le mentonner sur le champ.


Cette "faille" qui s'introduisit dans l'empire scripturaire de Robinson, c'est  ce qu'on pourrait appeler une rupture dans les croyances permettant l'élaboration d'un mouvement de sémiose. Robinson est hanté par un absent qui a laissé sa trace sur les abords le l'île. Bien que la trace soit de l'ordre de l'Indice (S.C. Peirce), rien n'indique qu'il s'agisse du rapport sécurisant de deux êtres reconnus et appartenant au même monde. Au contraire, l'objet de la trace est un absent. La trace devient alors à la fois signe (qui renvoie a un objet absent) et objet (qui renvoie au signe d'une présence absente).  Quand Michel de Certeau parle de "l'instabilité du bornage", il s'agit de cette relation d'indifférenciation entre les deux constituants du signes. Nous sommes donc dans l'univers de l'Icône (S.C.Peirce). Ce fantôme, cet Autre, c'est le domaine de l'étrange qui s'empare des croyances (unheimlich), qui "trouble l'ordre qu'à construit un travail capitalisateur et méthodique". Ce premier travail de l'esprit, ces premiers mouvements de sémioses (mouvements de la pensée) se réalisent à travers la notion d'Icône, dans ce que S.C. Peirce a appelé l'Hypoicône. À travers l'Icône, il y a une descente dans l'ordre des représentations qui se présente le plus souvent comme une augmentation des activités "irrationnelles" du sujet. En refusant tout mouvement dans le cadre de ses croyances, de sa rationalité, il a ainsi refusé l'accès à l'Autre. En faisant de Vendredi un signe indiciel, Crusoé aurait accepté la présence de l'Autre comme faisant parti du même univers de reprérentation. En refusant tout travail de sémiose (qui allait nécessairement bouleverser ses aprioris intellectuels), il a créé une dualité anthropoligique entre l'homme "civilisé" et le sauvage. Au lieu de passer à la secondéité de l'Indice, à un stade supérieur de pensée où l'objet étranger devient objet appartenant au même mode de l'existence, Crusoé est tombé dans l'univers fantastique et fictionnel de l'Hypoicône, dans la peur irrationnelle de l'Autre. "Robinson retrouvera le pouvoir de maîtriser quand il aura la possibilité de voir, c'est-à-dire de substituer à l'index d'un manque, un être saisissable, un objet visible" (De Certeau p.226) Le monde de l'icône se construit sur la dégénéressence d'un signe, donc sur un manque dans la relation entre le signe et l'objet. Ce gommage dans la représentation est la confusion de Crusoé entre l'objet visible (la trace de pied) et les représentations de ce qui a pu produire la trace. Il tente de palier au manque. Il est pris avec cette incapacité de délier dans son esprit, la réalité de l'objet extérieur de ses propres interprétations schizoïdes.

Puisque chez Robinson, c'est l'ordre scripturaire qui domine, il se voit dans l'incapacité de décrypter dans l'univers de l'île, de quoi réconforter la présence absente (la trace) de Vendredi. C'est la manière de recevoir les signes du monde qui doit changer et non pas la nature de ce qu'il n'est pas habilité à lire. L'île se doit d'être lu dans le cadre même de ses manques (là où ÇA ne parle pas) et non pas dans l'abondance de ses signes puisque la trace de pied de Vendredi est un "marquage silencieux". De Certeau explique : " Le sauvage est un passant ; il se marque (par des taches, lapsus, etc.) mais il ne s'écrit pas. Il altère un lieu mais n'en fonde aucun"(227). La parole silencieuse du sauvage est la voix d'une tradition autre.

Alors que certains sont incapables de toute avancée de l'esprit (sémiosis), de ce mouvement spiralique (voir schéma de Jean Fisette) qui mène la pensée à se désaisir de ses a prioris intellectuels, de ces croyances qui encrent les signes hors du temps (de tout contexte aussi), d'autres trouvent dans l'icône un moyen de créer de nouveaux signes, de réinventer notre rapport avec les représentations (les artistes, les inventeurs, etc.). Deux chemins contraires se dirigent vers une création de symboles, stade ultime dans le processus d'un signe hypoicônique (le premier étant l'image, le second le diagramme et le troisième, la métaphore pour ensuite devenir symbole). Pour devenir un symbole, la métaphore, en tant que signe construit (représentamen), devra vivre l'épreuve d'un long travail de réception. C'est tout un groupe qui sera la pensée ou le sujet de ce travail de sémiose (afin que pour tout un groupe de littéraires et de sémioticiens, cette fameuse oeuvre de Escher devienne le symbole officiel de l'intertextualité.


Dans le pays étranger, le sens n'est plus scripturaire. Il se réalise plutôt dans l'espace même de la page : la sémiose a lieu dans l'absence, la où le scripte prend appui et là même où il prend fin. Dans le monde occidental, l'accumulation de capital renseigne sur le rang, l'identité, le sexe, etc. : elle fournit des informations fondées sur l'abondance ou le manque. L'Occidental n'est pas habilité à lire et à comprendre là où ça ne parle pas; là où le sens est instable et mouvant. La quantité prend la place du sens à faire. Entre deux lettres, deux phrases, deux articles, il y a le blanc de la marge, de la page, l'absence, le vide nécessaire pour faire du sens (sémiose). Là où l'espace cesse d'être producteur (économique, rentable, etc.) le sujet peut devenir créateur ; l'esprit est autorisé à reconquérir sa propre économie personnelle. Les beautés naturelles, mers et montagnes, sortent de la réalité du scripte, grâce à quoi, l'esprit aussitôt écoute, sort le crayon et cherche à comprendre (apprendre)...

ps : plus d'un ans plus tard, voici un extrait du Buissement de la langue de Roland Barthe sur le sujet :

« Vivre dans un pays dont on ne conaît pas la langue, y vivre largement, en dehors des cantonnements touristiques, est la plus dangeureuse des avantures (au sens naïf que cette expression peut avoir dans des romans pour la jeunesse) ; c'est plus périlleux (pour le sujet) que d'affronter la jungle, car il faut excéder la langue, se tenir dans sa marge supplémentaire, c'est-à-dire dans on infini sans profondeur. Si j'avais à imaginer un nouveau Robinson, je ne le placerais pas dans une île déserte, mais dans une ville de douze millions d'habitants, dont il ne saurait déchiffrer ni la parole ni l'écriture : ce serait là, je crois, la forme moderne du mythe.  » p-88-89.

Ecrit par caleo, à 02:09 dans la rubrique "Théorie".
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